Pourquoi l’Amérique latine est plus pauvre que l’Amérique du Nord

Pourquoi l’Amérique latine est plus pauvre que l’Amérique du Nord

C’est une question qui revient incessamment. Pourquoi l’Amérique latine est plus pauvre que l’Amérique du Nord ? Chacun y va de son explication, selon le sujet qui le touche le plus émotionnellement. On entend des raisons qui vont de l’esprit fêtard ou désorganisé des habitants, le climat qui prête à la paresse, l’abondance de nourriture toute l’année qui provoque une autosuffisance, l’exploitation par les colons d’abord puis l’Occident ensuite, la violence innée et générationnelle, et bien d’autres raisons encore.

La raison est connue et il faut la chercher dans l’Histoire. La grande, celle avec un H majuscule. Les différentes sociétés ont démarrées de manières distinctes et les conséquences sont visibles encore à l’heure actuelle.

La conquête

 

Lors de la colonisation de l’Amérique Centrale et du Sud, les populations indigènes étaient déjà organisées, développées, disposant de richesses et d’abondances de nourriture. Les colons s’en sont appropriés et se sont établis comme la classe dirigeante. Toute cette abondance a permis un développement encore plus rapide, érigeant des villes d’une richesse architecturale semblable aux villes européennes de l’époque. Des villes comme le District Fédéral de Mexico, Vera Cruz et Carthagène des Indes étaient des points importants de l’empire colonial de la Nouvelle-Espagne.

 

À cette époque, les territoires du Nord conquis par les Anglais et les Français connaissaient une trajectoire bien différente. Il n’y avait aucune richesse, le climat ingrat rendait l’accès à la nourriture difficile et les populations indiennes ne se laissaient pas dominer. Après le massacre des populations locales, les colons ont dû bâtir leurs villes et sociétés de zéro.

 

La structure des nouvelles sociétés

 

La Nouvelle-Espagne disposait d’esclaves pour exploiter les sous-sols et de populations indigènes pour cultiver la terre. Elle a alors instauré un système de castes.

L’autorité politique, et administrative en général, était à la charge de la petite noblesse espagnole. Pour prétendre à une fonction, il fallait être né en Espagne. Ils ne représentaient donc qu’une minorité de la population.

Le tissu économique était contrôlé par les créoles (criollos). De lignée espagnole, ou plus généralement européenne, les créoles sont nés sur le territoire colonisé. Ne pouvant accéder aux postes dirigeants, ils étaient en majorité commerçants, patrons d’exploitations agricoles et entrepreneurs. D’autres étaient aussi militaires, fonctionnaires ou religieux. Bénéficiant en majorité d’un statut confortable, un vingtième des criollos étaient même riches.

La classe basse était constituée d’abord des indigènes amérindiens, la moitié de la population environ, et ensuite des métisses, qui ne bénéficiaient d’aucune considération.

 

En Amérique du Nord, l’histoire est complétement différente. N’ayant aucune population locale à asservir et produire à leur place, les colons sont majoritairement des agriculteurs et des chasseurs fuyant la pauvreté en Europe en quête de nouvelles opportunités. La vie est dure et la survie ne peut s’obtenir que grâce à l’entraide de tous. Au fur et à mesure que les villes se développent, des lois se mettent en place pour préserver cet équilibre. Il est dans l’intérêt de tous de consolider la société et l’étendre le plus possible, et le plus rapidement possible aussi. Déjà pour se défendre des menaces mais aussi pour assurer les subsistances et ressources naturelles pour passer les rudes hivers.

Il y a aussi des riches qui exploitent des pauvres nouveaux arrivants mais les lois ne sont pas créées dans ce sens. Il y eut aussi de l’esclavage mais dans des proportions bien moindres qu’en Amérique latine.

 

L’indépendance

 

L’indépendance des territoires colonisés face à l’Europe n’arrive pas de la même manière, ni pour les mêmes raisons.

En Amérique latine, les révoltes sont lancées par les criollos qui ne se contentent plus de leur situation. Ils ne reconnaissent plus l’autorité de l’Espagne et n’apprécient pas de devoir lui payer des tributs. Ils n’acceptent plus non-plus l’arrogance et dénigrement de la noblesse espagnole et réclament le droit de diriger les affaires administratives du pays.

Au prix de longues guerres, l’élite créole pu s’installer encore plus solidement. Ils se sont emparés du pouvoir mais n’en changeant absolument pas les règles. L’exploitation des ressources ainsi que l’abondance des terres agricoles prémunissaient la société de tout danger. La classe dirigeante avait en fait toutes les raisons de maintenir la population dans la pauvreté pour garantir leur position.

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Aux États-Unis, les guerres d’indépendance n’étaient pas tant pour l’obtenir, sinon pour préserver la liberté dont ils avaient toujours bénéficié. Là encore, les lois et le développement de la société ont été pensés pour que tout un chacun puisse y avoir sa place. Le talent, le mérite, l’ingéniosité sont grandement valorisés puisqu’ils bénéficient à l’ensemble. Créer de la richesse et la répartir équitablement permet d’avoir un pays fort pour faire face aux potentiels ennemis, qu’ils soient un envahisseur étranger, une épidémie ou une catastrophe naturelle.

 

La situation aujourd’hui

 

À l’heure actuelle, les différentes sociétés n’ont pas radicalement changé.

En Amérique latine, le pouvoir, le tissu économique et les médias sont détenus par quelques familles. En général, elles sont en droite lignées des criollos. Pour maintenir leur position, elles exploitent la population grâce à différents outils, comme de bas salaires, des intérêts bancaires élevés, des soins médicaux chers et l’accès limité à l’éducation. Le but est de ne pas voir apparaître une concurrence trop puissante.

La Colombie a récemment fait son entrée à L’Organisation de Coopération et de Développement Économiques OCDE. Un des premiers rapports qui a été publié indique le nombre de générations nécessaires à une famille pour sortir de la pauvreté. Alors qu’il en faut 4 au Canada et 5 aux États-Unis, 11 générations seront nécessaires en Colombie.

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C’est en fait un cercle vicieux de la pauvreté. Tout d’abord, l’éducation a un coût très élevé, ce qui rend impossible l’accès à un travail qualifié et donc à un salaire décent. Monter un commerce est très difficile car l’accès à un crédit est soit refusé, soit avec des intérêts élevés. Si malgré tout la personne réussit à épargner et pouvoir compter sur un capital, un accident ou une maladie d’un membre de la famille peut la ruiner à nouveau.

 

En Amérique du Nord, le système économique s’est basé sur la création, l’innovation et la recherche. L’éducation et l’inclusion sociale sont très importantes. Le risque pour les entreprises est plutôt de manquer de personnel qualifié. Les lois sont aussi faites pour aider à la création de petites et moyennes entreprises pour consolider le tissu économique. Garantir le pouvoir d’achat de la grande majorité de la population permet justement de maintenir une certaine harmonie et la bonne marche de l’ensemble de la société.

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Conclusion

 

Ce n’est pas la paresse, le climat ou même l’exploitation par des sociétés étrangères qui provoque la pauvreté de l’Amérique latine mais bien son propre système économique et social. On remarque quand même que la globalisation commence à changer les règles. Internet aussi, en offrant d’autres canaux de commercialisation et d’échange d’informations. La pauvreté baisse, la classe moyenne augmente mais les lois continuent à favoriser les élites.

Même en travaillant dur, les possibilités de progresser sont minces. Les risques d’échouer sont plus grands aussi. Il n’y a pas de sécurité sociale, de plan de redressement, de subventions ou d’aide au développement. Sans perspectives économiques favorables, le salut se trouvera plutôt dans les relations sociales et les moments agréables, comme une réunion amicale, une conversation, une célébration.

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Bien sûr, l’histoire de l’Amérique latine est une histoire de 500 ans d’exploitation. D’abord avec les minéraux comme l’or et les diamants, principalement en Bolivie, Pérou et Brésil qui ont enrichi les pays Européens. Cela a grandement participé à leur industrialisation, Angleterre en tête. Puis la destruction des écosystèmes endémiques en les remplaçant par la monoculture de la canne à sucre. Les Hollandais, Anglais et Français ont exploité le Brésil, la Barbade, Cuba, Haïti et la Jamaïque entre autres, qui devaient importer la nourriture que la terre produisait pourtant auparavant. Par la suite, c’était l’exploitation du caoutchouc en Amazonie. Le point ici est d’expliquer que les élites préfèrent exploiter les ressources, tout comme les colons avant eux, et basent la politique et les lois dans ce sens. Le système de castes s’est en quelque sorte maintenu. Finalement, l’abondance de ressources naturelles aura plutôt été une malédiction.

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Et pour un expat ?

 

Qu’est-ce que cela représente pour un occidental de s’installer en Amérique latine ?

Pour commencer, il ne faut pas espérer fonctionner avec les mêmes règles. Le marché de l’emploi ou de l’entrepreneuriat ne jouent pas de la même manière qu’en Europe ou Amérique du Nord. Il y a toujours des exceptions mais en tirant un portrait grossier, disons que les entreprises cherchent à exploiter leurs employés pendant que le gouvernement cherche à exploiter ces mêmes entreprises.

L’expat qui fait partie d’une structure étrangère, au bénéfice d’un salaire et protection sociale de son pays n’est en aucun cas affecté. Les règles locales ne s’appliquent pas dans ce cas.

Par contre pour l’expatrié-immigré, de passage ou à long terme, il faudra en tenir compte. Cela veut principalement dire d’évaluer dans quelle classe de la société il va se trouver. En France par exemple, une personne peu qualifiée mais travailleuse peut bien s’en sortir. Travailler comme serveur permet de vivre décemment et espérer des jours meilleurs. Mais pour s’établir en Amérique latine ce n’est pas suffisant. Il faut viser d’entrer au moins dans la classe moyenne-supérieur. Pour cela, il faut soit être spécialiste dans un secteur, soit avoir les fonds pour monter un commerce.

C’est perdu d’avance que d’espérer trouver un petit boulot le temps d’avoir un capital pour lancer son entreprise. Inutile aussi que d’espérer obtenir un emprunt bancaire. Démarrer avec un petit boulot va seulement maintenir la personne dans cette situation, en ayant à peine assez pour vivre.

Dans un autre article, je donne quand même quelques conseils pour obtenir un travail, sans être qualifié mais en jouant avec l’avantage des langues étrangères et le « service à la française ». Lire ici : Les petits boulots en Colombie.

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