La Colombie ne séduit plus
Après quelques années folles, un afflux d’investissement, un tourisme en hausse, la Colombie n’est plus à la mode.
Bien sûr, la pandémie du Covid-19 a freiné le tourisme dans le monde entier, mais ce n’est pas tout. La confiance a disparu. Le sentiment penche plutôt du côté négatif, pendant que les points positifs ne pèsent plus très lourd dans la balance.
Est-ce que l’âge d’or est terminé ou est-ce un faux-pas temporaire ? Beaucoup d’expats refont leurs valises pour s’en aller, et pourtant, d’autres préparent leur arrivée. Alors, quelle est situation en 2022 ? Peut-on encore s’y expatrier ?
Ce que la pandémie a révélé
Une fois de plus, on remarque l’absence du gouvernement. Pendant que les maires des villes principales ont décrété un confinement strict rapidement, la coordination des efforts n’a pas suivi. Comme aucun pays n’avait de réelle expérience face à une telle pandémie, La Colombie a fait comme tout le monde en envoyant la population s’enfermer et en espérant que tout repartirait normalement après quelques mois. Sauf que la Colombie a des réserves monétaires limitées, une population aux outils informatiques déficients et sans matelas financier.
Les fonds d’urgence ont été destiné aux grandes entreprises sans évaluation. Les banques, les groupes éditoriaux et alimentaires ont reçu des aides alors qu’elles n’étaient que très peu affectées. Des scandales de surfacturations de produits aux familles dans le besoin ont éclaté.
La vaccination lente est un autre problème. Bien évidemment, les pays occidentaux sont à blâmer pour s’être accaparés les vaccins directement auprès des fabricants. Mais le manque d’organisation local est aussi pointé du doigt. À ce jour (Mars 2022), 67% de la population colombienne a reçu les 2 doses nécessaires. C’est le douzième pays sur 38 en terme de couverture en Amérique latine.
Le résultat a été un pays à genou, où la population a décidé de vivre comme il l’a toujours fait et un gouvernement qui a perdu tout contrôle.
Le raz-le-bol social
Avant même la pandémie, de grandes manifestations ont eu lieu en novembre 2019. Elles ont duré jusqu’en début 2020 lorsque tout le monde a dû s’enfermer. Le manque d’expérience du Président et les révélations d’achat de votes par Ñeñe Hernández, l’augmentation de la violence, les assassinats de leaders sociaux, le non-respect des accords de paix, les bâtons dans les roues au Tribunal Spécial pour la Paix ont échauffés les Colombiens.
En mars 2020, c’est le projet de réforme fiscal qui fait déborder le vase. En dépit d’une troisième vague de contamination du Covid, les Colombiens ressortent dans la rue. Ils refusent l’augmentation des impôts et de la TVA, qui prévoyait même un impôt de 19% sur les services funéraires et sur le matériel informatique pourtant si nécessaire. Le besoin d’une réforme n’est pas remis en cause, mais la frustration de devoir payer plus alors que la population n’a rien reçu depuis plus d’un an est vue comme une menace plus grande que la pandémie elle-même.
Un pays divisé
Les divisions de la société sont apparues encore plus fortes que jamais. Beaucoup de journalistes nationaux et étrangers ont couvert la situation. Pour les hispanophones, je ne saurai que trop vous conseiller de suivre la chaîne du journaliste, et aujourd’hui sénateur également, Ariel Avila qui explique extrêmement bien les événements. Ses vidéos sur la classe politique, le paramilitarisme et la guérilla sont édifiantes, tout comme ses vidéos plus récentes sur les manifestations.
Il y a d’un côté une élite qui s’accroche coûte que coûte et veut maintenir ses avantages. Elle est représentée par des familles très puissantes, propriétaires de grandes entreprises, monopolisant la politique. Beaucoup sont impliquées dans le vol de terres et liées aux groupes paramilitaires. L’ex-candidate présidentielle Maria Fernanda Cabal s’oppose notamment aux enquêtes pour la restitution. Son mari José Felix Lafaurie y est justement fortement impliqué à travers la fédération des éleveurs (FEDEGAN) qu’il dirige.
De l’autre côté, la classe moyenne se bat pour maintenir un niveau de vie durement acquis qui peut basculer dans la pauvreté à tout moment. À cause de la pandémie, ce sont 3,5 millions de nouveaux pauvres, 3,9 millions d’emplois perdus et la fermeture de 12,2% des entreprises.
Loin ailleurs, il y a encore les minorités qui peinent à se faire entendre. Les populations indigènes sont mises à part et font face au mépris des citadins, peu importe la classe sociale.
Lire : Les classes sociales en Colombie
Les étrangers s’en vont, les riches colombiens aussi
Cette année on voit beaucoup d’expats s’en aller. Il y a forcément des raisons diverses. Déjà, beaucoup ont dû mettre la clé sous la porte. Ceux qui n’étaient pas propriétaires des murs ont dû fermer leurs hôtels, restaurants, bars. D’autres ont perdu leurs emplois. Et puis certains avaient déjà des difficultés avec leurs entreprises, ça a été le coup de grâce. Pour eux comme pour d’autres encore, la Colombie ne présente plus d’avantage. C’est dur d’être livré à soi-même, sans aide gouvernementale, face à l’insécurité grimpante et l’instabilité due aux manifestations et aux barrages.
Quant aux riches colombiens, la confiance n’est plus là. Les investissements ont été stoppés. Ils ont été ébranlés par les manifestations et l’inquiétude monte face à une possible élection de Gustavo Petro à la Présidentielle. C’est impressionnant de voir le nombre de biens immobiliers en vente dans les beaux quartiers résidentiels.
La résilience colombienne
Tout n’est pas perdu, bien au contraire. Les Colombiens ont affronté bien des difficultés depuis des décennies, depuis le Bogotazo de 1948 déjà. Pourtant, ils relèvent toujours la tête et avancent.
En fait, les Colombiens ont recommencé à vivre normalement depuis Janvier 2021 déjà. À part porter un masque, la vie a repris son cours comme avant. Il y a eu quelques couvre-feux mais tout a rouvert. Le tourisme a repris. Les infections au Covid ont baissé avant même Omicron. L’économie a redémarré. Les estimations placent maintenant la Colombie en 5ème position des économies latino-américaines qui grandiront le plus en 2022, avec une prévision de 7,5%.
Lire : Les points positifs de la Colombie
Vaut-il encore la peine de s’établir en Colombie ?
C’est peut-être une tendance à voir le verre à moitié plein, mais je trouve que le pays va dans la bonne direction. Je n’ai rien vu de fondamentalement nouveau. Les déséquilibres existaient déjà et sont apparus de manière plus flagrante, plus généralisée. Les citadins ont été confrontés à une violence qui était jusque-là appliquée seulement à la campagne. La corruption était présente et laissait déjà mourir de faim la population marginalisée mais pas au point d’atteindre l’ensemble du pays. Les soulèvements populaires ont montré un besoin de renouveau, de s’unir pour construire le futur.
Le monde entier n’a pas su réagir à la pandémie. Les pays occidentaux n’ont pas été un exemple. La Colombie n’a pas brillé. Je pense que l’humanité a été confrontée dans sa manière de vivre et a révélé ses besoins. Si la Colombie ne correspond plus aux souhaits de certains expats, c’est en fait une bonne chose de s’en rendre compte maintenant. Les explorateurs n’ont jamais trouvé l’Eldorado et sont repartis deçus. Les expats ne le trouveront jamais non-plus. Et pourtant, le pays regorge de trésors mais ils ne sont pas matériels.
Lire : Les médecines ancestrales en Colombie
Lire aussi : Le parc Tayrona
Est-ce alors le bon moment pour investir ?
Oui et non, c’est un moment comme un autre pour s’y expatrier. Si on s’imagine faire une affaire en or en achetant à prix cassé, en réalité ce n’est pas le cas. Il y a quelques biens immobiliers de plus sur le marché, mais les prix n’ont pas baissé. D’un côté, c’est rassurant, c’est très bon signe. Cela veut dire que le marché immobilier est solide. Bien sûr, on peut trouver quelques biens bradés, mais pas forcément en ville. On remarque une grande quantité de terrains disponibles. En fait, ce sont des propriétaires qui vendent une parcelle seulement.
La Colombie offre de bonnes opportunités mais pas à court terme. Aujourd’hui comme hier, investir dans ce pays demande un effort et une vision claire.
Celles et ceux qui sont attirés par le mode de vie colombien n’ont pas plus à craindre qu’avant. Mais l’illusion du paradis que l’office du tourisme aimerait vendre s’est brisée.
Lire : Où est comment investir
4 Replies to “La Colombie ne séduit plus”
Bonjour Sébastien.
Article assez intéressant. Même 2 ans après. Pour ma part je vais fêter mes 18 ans ici et il est vrai que le changement s’est fait sentir. J’ai pas mal analysé ces derniers temps s’il valait encore le coup de rester ici ou de chercher quelque chose ailleurs (pas en France en tout cas).
Le même travail paye moins, du moins si tu gagne en COP. Si tu gagnes en USD la ça vaut encore le coup (ce qui est mon cas). Mais il faut dire que l’ambiance a grandement changé même si le colombien reset vraiment très docile.
Il faut je pense, et comme tu le soulignes, bien savoir ce que l’on vient chercher si on vient s’installer ici. Si c’est pour l’argent, il y a d’autres endroit même si ici il existe des niches très intéressantes. De plus le président actuel n’est pas fait pour améliorer la situation.
Bref bien analyser tout ca avant de faire le grand saut.
JE RECHERCHE 1 PERSONNE ,moyennant rétribution susceptible de nous “pister”, pendant 1 mois 15/12/23 au 15/01/24…côte caraibe , entre medellin et pointe nord .
Je vais peut-être me faire huer mais je crois que le monde s’est trop laissé bouffer par la pandémie qui a causé une terreur non justifiée selon mon opinion. L’économie de beaucoup de pays a été détruite et la pauvreté s’est installée pour longtemps. Voilà le résultat des confinement et autres mesures inutiles….mais volontairement liberticides.
Eh bien, en ce qui me concerne, non seulement, je ne vous hue pas mais je vous approuve totalement. La population est cela dit à blamer autant que les gouvernements qu’ils ont élus, les conséquences étaient prévisibles et annoncées par bon nombre d’observateurs. Enfin, les gens aiment être assistés et maternés comme des enfants et pas qu’en France…