Ma plus grosse déception en tant qu’investisseur

Ma plus grosse déception en tant qu’investisseur

Il y a un peu plus d’une année de cela, j’ai fait un très mauvais investissement. Le risque était assez faible et c’était un domaine qui me plaisait, très prometteur. Pourtant, les choses ont mal tournées et je regrette amèrement de ne pas avoir été plus prudent. Je n’ai pas été victime d’une arnaque, c’est simplement un business qui a mal tourné pour différentes raisons mais les conséquences sont nombreuses et désagréables.

Voilà mon aventure et ce que j’en ai appris.

À la fin, vous trouverez l’analyse et les recommandations de Doniphane du blog Colombianito. Chaque vendredi nous publions un article sur un même thème et comparons nos expériences. Entre lui à Barranquilla et moi à Cali nous nous donnons des conseils qui peuvent profiter aussi à nos lecteurs.

Lire l’article de Doniphane : Ma plus grande déception commerciale en Colombie

 

Le contexte

 

Pendant quelques années, j’ai loué un appartement à une petite entreprise de sécurité industrielle antichute. Les deux associés, un homme et une femme, ont été en couple quelques années auparavant et sont toujours restés en excellents termes. C’est bien après leur séparation qu’ils ont monté leur entreprise. À leur arrivée, l’entreprise avait à peine plus d’un an et juste quelques employés. L’associée avait gardé son emploi pour garantir une entrée d’argent et donnait des coups de main pour la partie administrative. Lui, par contre, était à temps plein et logeait également dans l’appartement pour réduire les frais.

Assez rapidement lui et moi sommes devenus amis. Avec le temps, j’ai également vu l’entreprise grandir. Plus de clients, plus d’activités, plus d’outils d’installation, plus d’employés, un nouveau véhicule pick-up, et l’associé qui s’en est allé pour vivre dans un appartement.

J’ai aussi pu observer le début de la création d’une ligne de produit sous une marque propre. En fait, les systèmes de sécurité antichute (ligne de vie, points d’ancrage,…) vendus en Colombie sont importés des États-Unis, Angleterre, France et Pays-Bas. Avec la baisse du peso (COP), ces équipements sont devenus très chers. En développant ses propres produits nationaux colombiens, l’entreprise pouvait offrir des systèmes moins chers tout en garantissant les prix, indépendamment des fluctuations du taux de change. C’est aussi à cette époque que de nouvelles normes plus sévères entraient en vigueur obligeant les entreprises à s’équiper et garantir la sécurité de leurs employés.

Comme le développement avait été assez coûteux par rapport à la taille de l’entreprise et qu’il manquait encore des produits pour compléter la gamme, ils m’ont proposé d’entrer comme actionnaire. Des clients prestigieux, comme Nestlé et les laboratoires du groupe Abbott entre autres, avaient déjà passé commandes pour installer les nouveaux produits et la rentabilité était très intéressante.

Je suis donc devenu actionnaire du 20% de la marque. Non pas de l’entreprise mais bien de la marque, qui inclut matériel et installation. En plus de cela, j’ai rejoint l’équipe comme vendeur freelance avec commission de vente. J’étais dans le vif du sujet, à l’intérieur même de l’évolution et promotion de la marque.

 

Les problèmes

 

Mon entrée comme investisseur coïncidait à un changement au sein de l’administration. Mon ami-associé laissait la gérance à l’autre associée pour pouvoir dédier plus de temps au développement de la marque. Comme elle y consacrait déjà de plus en plus de temps, le moment était venu pour qu’elle démissionne de son poste et prenne ainsi les rênes de l’entreprise.

Les mois ont passé et à la fin du premier semestre les résultats étaient décevants. Les ventes n’étaient pas très élevées et surtout la rentabilité était basse. Il m’avait fallu emprunter de l’argent pour compléter la somme et je comptais sur les premiers dividendes pour rembourser une partie de l’emprunt. Ce n’était pas ce que j’espérais mais je pouvais aisément comprendre la situation car les débuts peuvent toujours être un peu difficiles.

Au second semestre par contre, ça a été la douche froide. Les résultats étaient carrément mauvais. Les ventes sur l’année représentaient une baisse de 40% par rapport à l’exercice précèdent, l’entreprise perdait de l’argent, la rentabilité de la marque n’atteignaient pas le tiers des projections. Toutes les excuses dues aux frais de développement, de lent démarrage à cause de la nouveauté sur le marché ne tenaient plus du tout. Le problème était beaucoup plus grave.

En révisant les compte avec mon comptable, il ne semblait pas y avoir malversation mais seulement que les frais de fonctionnement de l’entreprise était trop élevés. J’ai bien essayé d’alerter mon ami, qui était aussi déçu des résultats, mais il continuait à donner sa confiance à son associée. Après avoir entendu nombres de raisons et fausses excuses, j’ai annoncé que je souhaitais me retirer et chercherais à vendre mes parts.

La situation est devenue tendue. L’accord que nous avions sur mon rôle de vendeur freelance s’est terminé, me faisant perdre des mois de travail sur les offres que j’avais en cours. Notre amitié s’est détériorée et le seul contact que nous avions était par obligation, du fait de ma position d’actionnaire.

 

Le dénouement et ce que j’ai appris

 

En contactant des industriels pour proposer mes parts, l’information est revenue aux oreilles des associés, rendant la situation encore plus tendue. Finalement mon ami, de plus en plus préoccupé, s’est penché sur l’administration de son entreprise pour se rendre compte de la gestion désastreuse par son associée. Charges salariales trop élevées, système injustifié de commissions, frais d’avocats coûteux et inutiles, mauvais processus de calcul d’offres, mauvaise maitrise des temps de production et installation, entre autres problèmes. Après maintes discussions et menaces de procès, Il l’a destituée de son poste et commandé un audit.

Quant à moi, il m’a finalement proposé d’annuler le contrat d’actionnaire pour en faire une reconnaissance de dettes. Le remboursement se ferait sur 3 ans avec intérêts annuels de 10%. Nous sommes encore en négociations.

Je pouvais difficilement anticiper ce dénouement mais il y a de nombreux points que je regrette, que j’aurais dû faire autrement ou alors ne pas me lancer.

 

Ne pas avoir évalué la relation entre les deux associés. Mon ami ayant la part majoritaire (60%) de son entreprise, je pensais n’avoir à négocier qu’avec lui. En fait, je ne savais pas le pouvoir émotionnelle qu’elle avait sur lui, une sorte de reconnaissance éternelle de l’époque de leur couple. Du fait de sa carrière aussi, il en avait une confiance aveugle.

Ne pas avoir protégé mon investissement. Les choses peuvent mal tourner, n’importe où, avec n’importe qui. Un investissement peut générer des profits ou disparaître, c’est la loi du marché. Cependant, j’ai accepté des conditions du contrat qui me liaient sans aucun pouvoir de décision. Même en tirant le signal d’alarme, je ne pouvais en rien empêcher la marche à suivre. J’aurais dû imposer certaines règles, qu’en cas de mauvais résultats il y ait un changement à la direction.

Ne pas avoir prévu une issue de secours. Vu les excellents résultats avant mon entrée, je n’ai pas imaginé vouloir un jour renoncer à ma participation. Revendre mes parts serait très difficile et cette solution de convertir l’investissement en prêt est une solution honorable. J’aurais dû inclure cette condition automatiquement, selon les résultats ou une preuve de mauvaise gestion. En incluant des garanties en cas de faillite, par exemple des véhicules ou du matériel. Dans ce cas-là, c’est la marque qui est mise en gage.

Avoir contracté un emprunt en comptant sur de bons résultats pour son remboursement. J’ai été beaucoup trop enthousiaste et confiant mais quand les mauvais résultats sont tombés, ma qualité de vie aussi. J’ai pensé que je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité et j’ai agi plutôt comme un joueur de casino. Il aurait mieux valu renoncer plutôt que d’inclure d’hypothétiques revenus.

 

Quant au fait d’avoir mélangé amitié et commerce, c’est un point toujours très délicat. Je ne pense pas que c’est forcément une mauvaise idée, mais le risque de perdre les deux est présent, c’est certain. L’erreur là encore est de ne pas avoir prévu une issue de secours. Si l’opportunité d’entrer est donnée notamment grâce à l’amitié, alors l’opportunité de sortir devrait aussi être établie. Sans devoir se justifier, sans heurter l’autre financièrement, selon des termes établis quand justement tout va encore bien. Cette proposition de remboursement de dette peut tout à fait sauver notre amitié, après un temps nécessaire de guérison et rétablissement pour chacun.

Lire aussi : Peut-on faire confiance aux colombiens?

Lire aussi : Devenir entrepreneur-investisseur en Colombie

 

Le point de vue de Doniphane (Colombianito)

 

En découvrant la mésaventure entrepreneuriale de Sebastien de nombreux cas similaires me viennent à l’esprit. Qu’il s’agisse d’entrepreneurs français ou colombiens beaucoup sont ceux qui font l’erreur de mélanger amitié et affaires. Je suis moi aussi passé par là au moment de la constitution de ma première entreprise en Colombie : petite-amie colombienne, meilleur-ami de cette dernière (comptable), colocataire et ami français actionnaire lui aussi. Autant dire que nous avions l’équipe idéale pour échouer. Ce thème me parait si important que je lui avais dédié mon premier podcast il y a quelques mois.

Il est primordial de laisser une distance bien marquée entre les relations d’affaires et la vie sentimentale. De nombreux entrepreneurs que j’ai pu accompagner s’obstinent eux aussi à vouloir tout mélanger et c’est loin d’être la recette idéale pour voir un  projet être couronné de succès.

A mon sens, l’associé idéal se doit de compléter votre profil. Imaginons que votre spécialité soit le design web et la photographie, vous allier avec un comptable et un professionnel de la vente serait l’idéal pour multiplier les compétences de votre équipe.

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet : l’erreur la plus commune des entrepreneurs en Colombie.

Afin de pouvoir conserver une relation franche et ne pas vous soucier d’éventuels conflits mieux vaut opter pour des associés qui ne soient pas des membres de votre cercle de proches. Ils pourront le devenir par la suite mais la base de votre business devrait reposer sur un concept clé et des objectifs clairement définis plutôt que sur des sentiments ou une amitié qui a plus d’importance à vos yeux qu’un hypothétique compte de résultats ou une déclaration d’IVA.

J’ai traversé une situation semblable à celle de Sebastien avec mon comptable qui, bien que très sympathique et certainement honnête à sa façon, n’était pas au niveau en terme de compétences. En tant que représentant légal c’est malheureusement à moi qu’il incombait de répondre aux éventuelles exigences des administrations colombiennes (déclarations, amendes, processus de liquidation etc.). La situation s’est donc corsée quand il a fallu expliquer aux autres associés (eux aussi des proches) que l’un d’entre nous nous mettait en danger.

6 Replies to “Ma plus grosse déception en tant qu’investisseur”

  1. Merci pour ses conseils precieux.
    Autant doniphane que sebastien !

    Me reste 3 mois pour reussir dans ce projet sinon retour en France !

      1. Mon projet est de proposer un accompagnement pour les projets notamment cinematographique/musicaux en Colombie (exemple clip etc…). Pour l’instant 0 recettes mais beaucoup de contacts établis, je tente d’augmenter ma visibilité et de contacter un maximum d’acteurs. Sinon je serais intéréssé également par l’etablissement d’une entreprise intermédiaire de service de chirurgie. (en focus sur les attributs féminins). Beaucoup d’amie intéressé par le faible coût mais grosse concurrence des pays de l’est et du maghreb. Ca serait interessant avec les US mais ca necessite une grosse visibilité et de nombreux partenariats (couteux)

        1. L’accompagnement est un projet très intéressant. On voit même des rappeurs francais venir en Colombie pour leur clip. Malheureusement ils recherchent surtout le style Narcos.
          Quant à la chirugie, la plupart des cliniques ont leurs services d’accompagnement pour étrangers sauf qu’ils leur manque la maitrise des langues.
          J’avais écris un article sur le sujet: https://vivreencolombie.co/tourisme-medical-colombie/

          1. Super article, je ne l’avais pas vu.

            Pour ce projet, il est né du fait qu’une agence de production m’avait contacté pour accompagner l’algerino et son groupe qui ne comprenait pas l’espagnol et n’arrivait pas a ce faire comprendre. Le clip a principalement été tourné a cartagena, il devrait sortir prochainement d’ailleurs.

            Le plus difficile je trouve c’est de motiver a passer a l’achat effectif du service. Pour cela il faut vraiment developper la visibilité, car comme tu le dis dans l’article, on peut avoir un produit super bien aboutit a un tarif tres bon mais ne pas trouver de client.

            Investir dans les influencers avec une forte visibilité revient tres chere mais c’est l’une des manieres les plus efficace de developper ses ventes je pense tout en visant une clientele plutot jeune 20-35 ans.

            Le probleme, c’est egalement que beaucoup pensent pouvoir faire tout cela sans l’aide d’organisme comme tu l’as été autrefois. De l’exterieur les gens pensent pouvoir réaliser tout cela sans probleme mais il s’avere encore tres difficile en Colombie pour un etranger total au pays de pouvoir realiser de telles operations seuls.

            C’est vraiment quelque chose qui m’interesserait a moyen terme mais ca demande beaucoup de fonds pour gagner en visibilité sans compter les problematiques de transferts internationaux (maxi 6.990dollars/mois pour une personne naturel) avant de devoir fournir des dizaines de justificatifs de la provenance de ses fonds …

            Tout repose sur la visibilité, j’espere que ton blog t’aidera a avoir de nouveaux clients rapidement ! Ca reste un formidable outil pour developper son audience.

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