Le marché de la bière en Colombie

Le marché de la bière en Colombie

Les colombiens aiment la bière et en consomment beaucoup. Depuis des décennies, le marché est contrôlé et dominé par un seul groupe, Bavaria SA, qui produit 14 bières nationales et en importe 6 de plus. Il détient de ce fait 98% du marché.

En 1992 est apparu la première microbrasserie. Par la suite, la Bogotá Beer Company (BBC) est devenu un producteur incontournable avec ses bières raffinées vendues dans ses propres bars. Elle a ouvert la voie à de nombreux artisans qui s’y mettent aussi avec plus ou moins de succès.

Voilà un résumé de l’histoire de la bière en Colombie, les grandes marques, les bières artisanales et la consommation moyenne.

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Petite histoire de la bière en Colombie

La source principale pour la rédaction de cet article vient d’un excellent article, très complet, en espagnol intitulé Historia de la cerveza en Colombia. J’en fais ici la synthèse.

 

Les débuts

L’orge est arrivée en Colombie en 1539, peu de temps en somme après le début de la colonisation, et laisse penser que c’était déjà dans le but de produire de la bière. Le tout premier registre officiel d’une brasserie date de 1826 à Bogotá avec la Cervecería Meyer. Les décennies suivantes ont vues l’apparition de plusieurs basseries dans différentes régions du pays. En 1889, les frères Leo Siegfried et Emile Kopp, immigrés allemands, s’associent aux frères Santiago et Carlos Arturo Castello pour acheter un terrain, construire une brasserie moderne appelée Bavaria Kopp’s Deustche Brauerei qui, au fil du temps et de nombreux changements deviendra Bavaria SA.  C’est d’ailleurs à cette époque que l’industrialisation avec l’importation de machineries importées d’Europe, permet de meilleures productions et garantir la stabilité du produit. En 1900, le pays comptait officiellement une centaine de brasseries.

Brasserie Kopp Bavaria bogota 1900

L’industrialisation

La famille Kopp développe une réelle industrie brassicole en promouvant la culture de l’orge auprès des agriculteurs locaux tout en garantissant un bon prix d’achat pour ne plus dépendre des importations. Ils obtiennent peu à peu une fabrique de verre, des mines de charbons, leurs propres cultures d’orge, agrandissent la brasserie et commence même à acquérir d’autres brasseries plus modestes.

Les grandes brasseries industrielles reçurent même de l’aide du gouvernement qui cherchait à lutter contre la chicha, boisson fermentée de maïs. La chicha, boisson ancestrale andine, était très populaire auprès de la classe ouvrière et paysanne qui la produisait artisanalement. Officiellement, la propagande à son encontre stigmatisait le manque d’hygiène mais dans les faits, le gouvernement n’appréciait pas cette boisson produite localement à bas coût, qui ne générait pas de revenus par impôts. La production de chicha était même largement supérieure à celle de la bière. En 1910, la production à Bogotá représentait 1’000’000 de litres par mois alors que celle de la bière était de seulement 180’000 litres.

Bière “plus de Chicha”

La crise mondiale

Les petites et moyennes brasseries ont de la peine à suivre le rythme face aux brasseries industrielles qui grandissent de plus en plus. La crise économique mondiale de 1929 accélère la chute des petites brasseries et obligent les grandes à former des alliances ou fusions pour subsister. Les deux plus grands brasseurs s’unissent pour devenir le Consorcio de Cervecerías Bavaria S.A., acquièrent plusieurs brasseries dans plusieurs villes jusqu’à devenir l’entreprise la plus grande de Colombie en seulement 3 ans.

Les brasseries « indépendantes » qui survivent la crise ou celles qui apparaissent par la suite tiennent le coup tant qu’elles sont en dehors des zones de concurrences avec le groupe Bavaria.

Les brasseries de Barranquilla, qui produisent la fameuse bière Águila ne résistent pas et passent en main de Julio Mario Santo Domingo.

Fin de l’influence allemande

Les immigrés et investisseurs allemands ont beaucoup participé au développement de l’industrie brassicole colombienne. Bavaria était toujours en mains allemandes et aussi hollandaises quand la 2ème guerre mondiale éclate. Avec l’entrée des États-Unis dans le conflit, le gouvernement colombien s’est vu obliger de brider l’influence des ressortissants de pays européens passés sous contrôle nazi. Les dirigeants, ingénieurs et travailleurs d’origine allemande durent s’en aller et les actions ont été revendues à bas prix. Bavaria devient 100% colombienne et les nouveaux actionnaires démarrent une campagne économique agressive du marché jusqu’à détenir 19 brasseries dans 18 villes à l’année 1959.

Le monopole

Au début des années 1960, les affaires de Bavaria sont tellement florissantes que le groupe diversifie ses activités, investis à l’étranger et cherchent à exporter ses produits, en commençant avec la bière Club Colombia aux États-Unis. La direction se fixe comme objectif la domination totale du marché national de la bière en rachetant ses 3 derniers concurrents à n’importe quel prix. Julio Mario Santo Domingo, propriétaires des brasseries de Barranquilla, négocia de manière très habile en vendant non-pas pour de l’argent mais contre 20% des actions de Bavaria. En rachetant en sous-main les parts de milliers d’actionnaires de Bavaria il réussit à en devenir l’actionnaire majoritaire et, de ce fait, le nouveau propriétaire. Le petit poisson a mangé le gros.

En 1975, Santo Domingo et Bavaria rachète le dernier concurrent pour s’approprier quasiment le 100% du marché national colombien de la bière.

Par la suite, il y aura des tentatives d’incursion du marché, notamment en 1992 quand Ardila Lülle, propriétaire de Postobon, construit la brasserie Cervecería Leona S.A.. L’essai sera infructueux puisque qu’elle n’aura pas le succès escompté et passera dans le groupe Bavaria en 2000.

En 2004, Bavaria détient le marché colombien, panaméen, équatorien et péruvien. C’est le 2ème plus grand producteur d’Amérique du Sud et le 10ème au niveau mondial. En 2005, elle fusionne avec SABMiller, groupe Anglo-sud-africain et en 2016 entre dans le groupe AB InBev, premier groupe mondiale de la bière.

La fin du monopole ?

Ardila Lülle n’a pas dit son dernier mot et refait une tentative d’entrée sur le marché. Cette fois il n’est plus tout seul et s’est associé en 2014 aux marques Heineken, CoorsLight, Tecate et Sol, tout d’abord pour distribuer les bières mais surtout pour les produire dès 2018 dans une brasserie spécialement construite à ce but. À l’heure actuelle les ventes représentent 2% du marché national et sont tablées pour s’emparer du 15%.

 

Les micro-brasseries

Les débuts

Après des décennies de lutte entre brasseries industrielles pour dominer le marché, les micro-brasseries ont fait leur apparition de manière très discrète dès 1992. Elles ont commencé en proposant leur produit en vente directe, dans leurs propres bars ou restaurants, en fûts ou en bouteille qu’elles pouvaient facilement récupérer. La toute première fut la Cerveza de la Casa à Guarne Antioquia.

À fin 2017, 242 micro-brasseries avaient été fondées et 195 étaient encore en fonctionnement.

BBC Chapinero Porter

L’épopée BBC Bogotá Beer Company

Le colombien Berny Silberwasser a eu une grande influence sur le développement des micro-brasseries. Après un voyage aux États-Unis en formation, il monte Palos de Moguer en 1998 à Cali puis Bogotá. En désaccord avec ses associés, il quitte l’entreprise, s’en va à Bogotá et monte BBC en 2002. Ses bières de qualité, produites avec de l’orge et du malt importés du Chili et Argentine, et du houblon d’Allemagne et États-Unis, ont gagné de nombreux prix. En plus de la vente en directe dans ses bars, elles sont aussi distribuées par les supermarchés Éxito, ce qui a permis une diffusion dans tout le pays.

En 2017 la production totale était de 6 millions de litres par an. Bien loin malgré tous des 2’300 millions de litres de Bavaria.

Bar BBC à Bogotá

L’histoire se répète

Maintenant que les micro-brasseries prennent de l’ampleur et des parts de marché, les grands groupes industriels s’y intéressent et leurs font les yeux doux. BBC est passée en main de Ab InBev pendant qu’Ardila Lülle s’emparait de la seconde plus grande micro-brasserie; 3 Cordilleras.

 

Heureusement le goût reste et de nombreuses autres micro-brasseries suivent la voie en produisant d’excellentes bières. Il est plus que jamais accessible de boire une bière artisanale et de faire partie du 0.3% de consommateurs indépendants.

 

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Les principales bières

Dans l’ordre décroissant, la Poker est la plus consommée avec 32.5% du marché, ce qui représente une production de 748 millions de litres par an. Suivent Águila avec 29.8% (685 millions de litres),  Águila Light 11.8% (271 millions), Pilsen 10.9% (251 millions), Club Colombia 6.2% (143 millions), Costeña, Poker Light, l’ensemble des bières BBC, Reed’s, Cola y Pola, Heineken, Corona Extra, Budweiser, Miller Geniune Draft, Peroni Nastro Azzuro.

Brasserie Bavaria Cali

Les marques nationales les plus anciennes encore produites sont Pilsen depuis 1904, puis Águila depuis 1913, Poker depuis 1929 et Club Colombia depuis 1949.

 

Mes préférences personnelles

Après avoir froidement décrit l’histoire et la situation actuelle de la production brassicole en Colombie, je me permets une petite note personnelle.

J’adore les bières fortes avec du corps et connaitre la noire BBC Chapinero a été mon salut. Elle fut ma préférée jusqu’à découvrir la micro-brasserie Holy Water Ale à Buga. La Negra et surtout la India Pale Ale IPA sont délicieuses, stables et savoureuses. L’expérience du maître brasseur Allemand y est pour beaucoup et c’est maintenant ma bière colombienne préférée.

 

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One Reply to “Le marché de la bière en Colombie”

  1. Bonjour, J’ai goûté à plusieurs reprises la bière Mulata de la brasserie 3 Cordilleras, très bonne, rappelant les ambrées du Nord de la France et de la Belgique. La blonde est très bonne aussi, quand à la rouge, aromatisée aux fruits rouges je crois, elle est surprenante tant elle paraît sucrée, une expérience intéressante mais qui fait trop penser à un soda, à mon avis…

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