Le café en Colombie – Son histoire

Le café en Colombie – Son histoire

C’est un sujet que je devais obligatoirement aborder. C’est ma boisson préférée, que je bois tous les jours. Autant dire que je suis content chaque fois que sort une étude qui confirme les bienfaits d’une consommation journalière.

Le café de Colombie fait partie des meilleurs au monde, il n’y a pas de débat sur ce point, mais c’est aussi un grand paradoxe. Quand je suis arrivé à Cali la première fois en 2003, j’étais ému et excité de goûter le café directement dans la nation productrice. Ma déception fut énorme et il m’a fallu des jours pour trouver le seul endroit qui offrait un café de ce nom, préparé par une vraie machine professionnelle. C’était le Café Mulato à El Peñón, quand il se situait encore juste à côté du musée La Tertulia.

En fait, la grande majorité des colombiens sont habitués à boire la pasilla, le café de qualité inférieur, celui qui ne passe pas les critères d’exportations, voire même les résidus du grain, préparé au filtre avec une grandes quantité de sucre. Tout le bon café était entièrement vendu à l’exportation.

Mais la Colombie change et les habitudes de consommation forcément aussi. Il est maintenant très facile de trouver de l’excellent café et la tendance bio a aussi fait son apparition.

Cet article couvre tous les aspects du fameux « Café de Colombie ». Il a été séparé en trois volets pour permettre de traiter tous les aspects importants. Tous ces thèmes vous aideront à comprendre l’importance du café dans le développement économique et culturel de ce pays.

Partie 1 : L’histoire du café colombien depuis son arrivée, le travail de la Fédération Nationale des Cultivateurs de Café, les épidémies et le célèbre Juan Valdez.

Partie 2 : La production en chiffres, les différentes variétés de cafés et les procédés de conditionnement

Partie 3 : La classification du café, les prix, les caractéristiques d’un excellent café et enfin les défis à venir.

 

L’histoire du café colombien

 

L’arrivée du café en Colombie n’est pas formellement connue. On suppose que les Jésuites l’ont amené depuis la Guyane en passant par le Venezuela. À cette époque, tous ces territoires faisaient partie de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade. C’est d’ailleurs le prêtre Jésuite José Gumilla qui mentionne le premier, par écrit en 1730, la présence de plantations de cafés dans la mission Santa Teresa de Tabajé. Elle se situait proche de l’embouchure du fleuve Meta avec le fleuve Orénoque dans le département actuel de Vichada.

La culture du café a donc commencé à l’Est du pays, dans les plaines herbeuses appelées Llanos. La toute première exportation a lieu en 1835 déjà, avec 2’560 sacs en partance pour le Venezuela. À partir de la seconde moitié du 19ème siècle, l’économie mondiale est en pleine expansion et la demande de café augmente aux États-Unis, également en Allemagne et en France. La Colombie y voit une opportunité et développe ses plantations dans le reste du pays, en commençant par les départements de Santander et Norte de Santander dès 1850. Pendant les 5 décennies suivantes, l’expansion se fera à Cundinamarca, Antioquia et Caldas, puis le Tolima, Quindío, Valle del Cauca et Cauca pour arriver jusqu’au Huila et Nariño en 1900.

Pendant cette période, la production atteint les 600’000 sacs de 60 kilos par an, ce qui est l’unité de mesure internationale du café. Les principaux producteurs sont de grands propriétaires d’haciendas en Santander et Cundinamarca qui détiennent le 60% de la production.

Cependant, le passage au 20ème siècle amène la première grande crise. Les prix sur le marché international s’effondrent, tout comme l’économie colombienne due à la guerre des mille jours qui causât, entre autre, la perte de Panamá. Les grands propriétaires qui s’étaient lourdement endettés pour poursuivre le développement de la production se retrouvèrent ruinés et incapables de maintenir les cultures.

Les paysans propriétaires de petites parcelles ont, eux au contraire, bien tenu le coup. Leurs méthodes plus efficaces et moins coûteuses leurs permettaient d’être quand même compétitifs, malgré la baisse des prix. C’est ce qui a amené la disparition des grandes exploitations au profit des petites fermes familiales. Comme la production nationale manquait de dynamisme, la Federación Nacional de Cafeteros de Colombia fut créée en 1927.

 

La Fédération Nationale des Cultivateurs de Café de Colombie

 

La FNC, ou Fedecafé, est une association à but non lucratif qui représente à l’heure actuelle près de 570’000 familles. Son but est de protéger la production nationale et favoriser l’exportation. Dès sa création en 1927, elle obtint du gouvernement le prélèvement d’un impôt de 10 centavos par sac pour financer ses activités. En 1931, elle établit une classification de la qualité du café et en 1932 impose l’obligation d’inscrire la mention « Café de Colombia » sur chaque sac exporté. De ce fait, elle crée l’une de toute première appellation d’origine.

Les efforts et l’union des petits producteurs permettent d’intensifier la production pour positionner solidement la Colombie en tant que 2ème producteur mondial, dès 1937.

La période trouble et très difficile de La Violencia, de 1948 à 1960, freine brutalement ce développement. En conséquence, ce sont un vieillissement et un manque d’entretien des plantations qui a, par la suite, encouragé à remplacer les plants par la variété Caturra. Cette variété a un rendement supérieur à la variété traditionnelle Typica.

Dans le but de promouvoir le café d’origine colombienne sur le marché international, et plus précisément aux États-Unis, la fédération fait appel à l’agence publicitaire Doyle Dane Bernbach. En 1960, apparait le personnage fictif Juan Valdez, accompagné de sa mule Conchita sur fond de montagnes colombiennes. Le succès est immédiat et la réputation de meilleur café au monde s’impose. La marque Juan Valdez ouvrira sa toute première boutique de café en 2002 dans l’aéroport de Bogotá, sous un modèle de franchise. Les boutiques sont présentes maintenant dans 19 pays. La marque étant propriété de la fédération, cela fait par extension la seule chaîne de cafés au monde détenue par les cultivateurs.

 

La rouille et la variété Colombia

 

La production et la productivité ont suivi une constante augmentation depuis la création de la Fédération jusqu’à se confronter à son premier gros problème ; la rouille orangée du caféier, appelée roya en espagnol. C’est un champignon présent dans toutes les régions caféière du monde, à l’exception d’Hawaï, qui apparut en Colombie depuis le Brésil en 1983. Pour lutter contre, la Fédération facilita le changement des plants par la variété Colombia, plus résistante à l’exposition solaire et à la rouille justement. Elle fournit aussi gratuitement les fongicides nécessaire pour maitriser cette épidémie.

Rouille du café

 

La crise des années 1990

 

Les décennies de 1970 et 1980 ont été très favorables à l’économie colombienne. Les prix du café à la bourse étaient fixés selon un accord entre pays producteurs et garantissaient des revenus stables. Cet accord prit fin soudainement en 1989, sous l’impulsion des pays importateurs et un manque de réactivité de la part du Brésil. Celui-ci avait augmenté sa production et ne voyait plus l’utilité d’un accord avec imposition de quotas. Cependant, d’autres pays sont apparus sur le marché, le Vietnam en tête, en offrant du café Robusta, bien meilleur marché car de qualité et de goût inférieurs. Sans autres règles que la loi de l’offre et la demande, le manque à gagner a été très important pour tous les pays producteurs. Les prix ont chuté de 50%, semblables à 25 ans plus tôt.

La Fédération a été fortement critiquée pour avoir fait des investissements peu judicieux pendant la période dorée et, de ce fait, n’être pas capable d’amortir la crise. Elle dût alors revendre toutes ses activités qui n’avaient pas un lien direct avec la production et promotion du café, notamment une banque. La plus grave conséquence fut la perte de sa flotte maritime, la Flota Mercante Grancolombiana, par manque d’argent et mauvaise gestion, qui arrivera peu à peu à son point final en 1997.

La Fédération avait le rôle et la coutume de réguler le marché national en achetant toute la production que les cultivateurs ne vendaient pas eux-mêmes. Elle exportait la majeure partie et stockait le reste pour vendre au fur et à mesure. De cette manière, les cultivateurs étaient toujours assurés d’obtenir un revenu. Mais quand la crise a frappé, la Fédération s’est retrouvée avec des stocks jusqu’à 5 millions de sacs et plus aucune liquidité pour maintenir ce système. Ironiquement, 1991 a été l’année avec la plus forte production de toute l’histoire avec 17.8 millions de sacs, un niveau jamais atteint depuis. Les cultivateurs ont vu leurs revenus baisser drastiquement et ne pouvaient plus maintenir en état leurs plantations. Le scolyte du grain de café, appelé broca en espagnol, insecte ravageur du café au niveau mondial a fait son apparition, détruisant les cultures. La rouille, qui ne disparaît jamais complètement, s’est répandu de nouveau, participant aussi aux dommages.

Mis à part une brève remontée des prix lors du gel au Brésil en 1994, la Colombie n’a plus connu cette époque dorée. Depuis, les prix restent bas et la production se situe entre 12 et 14 millions de sacs, chiffre inférieur aux années 1980. La crise a cependant été maitrisée depuis, la Fédération a pu aider les caféiculteurs à soigner les plants des épidémies ou à les remplacer par la variété Castillo, apparu en 2005, plus résistante aux épidemies.

 

La culture du café se porte très bien à l’heure actuelle, mais les menaces climatiques pèsent et l’objectif de produire jusqu’à 20 millions de sacs par an n’est largement pas atteint. Elle se porte bien toutefois si on omet l’aspect financier, qui est dans une période de crise depuis 2017.

 

Aller à la suite, Partie 2 : La production en chiffres, les différentes variétés de cafés et les procédés de conditionnement.

Sur le sujet des produits de grande consommation en Colombie, lire aussi : Le tabac en Colombie, La bière en Colombie, Le pétrole en Colombie.

 

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