Que vaut le Peso Colombien et comment va-t-il évoluer ?

Que vaut le Peso Colombien et comment va-t-il évoluer ?

À l’heure actuelle, Octobre 2018, les pesos colombiens s’échangent aux alentours de 3’000 pour 1 USD. Mais le chiffre en tant que tel ne représente pas grand-chose. Il faut le mettre en relation avec le coût de la vie et le pouvoir d’achat. Plutôt que de connaitre la valeur de la monnaie, il faut analyser sa force.

C’est une question importante pour quiconque envisage d’investir en Colombie. Si vous décidez de changer vos économies d’Euros à Pesos COP, vous aimeriez obtenir la même somme, voire plus, si vous les rechanger en Euros par la suite.

Est-ce que la monnaie va se déprécier, se stabiliser ou s’apprécier ?

 

Attention : Pour faciliter la lecture et se ranger sur la manière courante d’exprimer le taux de change, je donne la conversion basée sur la valeur de 1USD. C’est beaucoup plus facile, mais il faut garder à l’esprit qu’une baisse du Peso se reflète donc à l’inverse. Un taux qui passe de 1’800 pesos à 3’000 pesos signifie qu’il ne fallait auparavant dépenser que 1’800 pesos pour acheter un dollar. Actuellement, il faudra en dépenser 3’000 pour acheter ce même dollar.

 

La monnaie colombienne est forte ou faible ?

 

Le taux de change, en tant que tel, ne donne aucune indication de la force d’une monnaie. 1 Franc Suisse (CHF) vaut aux alentours de 115 Yen Japonaises (JPY), mais cela ne signifie pas que l’économie Suisse est 115 fois plus forte que la japonaise. Les dénominations de la monnaie ont des raisons plutôt historiques et surtout politiques, et peuvent être modifiées.

D’ailleurs, la Colombie envisage de retirer prochainement trois zéros à sa monnaie. Le salaire minimum vaudrait alors 781 pesos (au lieu des 781’242 actuellement) et un plat du jour coûterait 6 pesos.

En fait, la force d’une monnaie est intrinsèquement liée à la force de l’économie du pays. Et quand on observe une dépréciation de 50% de la valeur entre 2014 et 2015, on peut légitimement se poser la question si cela va se reproduire.

Lire : La Colombie n’est pas bon marché

 

Sur quoi repose le peso COP ?

 

Une monnaie repose principalement sur deux facteurs ; son marché intérieur et ses volumes d’import-export.

Le marché intérieur doit montrer une solidité et stabilité. Un pays qui produit en abondance et développe des secteurs différents sera solide face à une crise économique mondiale. De ce côté-là, la Colombie est assez remarquable. Les secteurs primaires, secondaires et tertiaires sont bien développés.

L’Argentine, par exemple, a un déséquilibre très marqué. Elle compte 3.9 millions de fonctionnaires pour une population active de 19.9 millions. Environ 18% de la population ne « produit » pas. En Colombie, ce sont 1.2 millions de fonctionnaires (dont 400’000 militaires et policiers) pour 26.5 millions de personnes actives, soit 4.5%. L’argent investit en Argentine aura plus de chance d’être dépensé en charges salariales qu’en produits manufacturés comme avec le marché colombien.

Les exportations sont l’autre élément important. Ce sont les échanges sur le marché extérieur et la valeur ajoutée qui créent la confiance. Plus les produits sont nombreux, variés, avec une forte demande, plus la monnaie est résistante aux crises.

Les exportations colombiennes sont variées mais seulement en petite quantités. Il n’y a en fait que quelques produits qui pèsent réellement. Le pétrole représente 31%, le charbon 17%, le café 7.8%, l’or 4.2% et les fleurs 4%. Le 64% des exportations reposent donc sur 5 produits. Et justement, lors de la chute du prix du baril de pétrole entre 2014 et 2015, le peso colombien a chuté aussi d’environ 50%.

 

Chiffres de 2016

 

Les secteurs importants

 

Certains secteurs pèsent particulièrement lourds dans l’économie colombienne et donc ont une influence sur la monnaie.

 

  • Le pétrole. Le cours qui avait chuté depuis 2014 s’est ressaisi depuis, injectant des millions de dollars supplémentaires. À plus de 120 USD le baril en 2008, le prix s’est stabilisé aux alentours de 80 USD pour chuter à moins de 40 USD en 2015. À l’heure actuelle, il est repassé à 70 USD.

 

  • Le charbon. Les cours varient énormément. Les prix sont partis à la baisse depuis 2011 pour atteindre un bas historique de 40 dollars la tonne en 2016. Les prix ont augmenté depuis et se situent pour l’instant aux alentours de 80 USD.

 

  • Le café. Orgueil de la Colombie, qui fait vivre un demi-million de familles. Cela fait longtemps que les pays producteurs ont renoncé à s’allier pour fixer les prix de vente. C’est donc la bourse qui s’en charge, toujours le plus bas possible. Le cours varie entre 1.3 et 2 USD le kilo de grain vert. Mais en 2018, il est même passé en-dessous de 1 dollar. À ce prix, le Brésil s’en sort encore, mais la Colombie vend à perte. À 1.20 USD, comme c’est le cas aujourd’hui (Octobre 2018), les familles vivent mais n’économisent rien.

 

  • Les fleurs. Difficile d’imaginer un prix vues les différentes variétés. On sait cependant qu’elles ont rapporté 1.4 milliard de dollars en 2017. C’est un secteur qui se porte bien, notamment grâce à une concurrence limitée. La Colombie est en 2ème position, derrière les Pays-Bas, incontestables leaders avec 4.4 milliards et couvrant ainsi la moitié de la demande mondiale. La Colombie quant à elle couvre 15.9%, l’Équateur 10% et le Kenya 6.2%.

 

  • Le tourisme. L’ouverture du pays au tourisme change complètement la dynamique. Ce secteur encore marginal 8 ans auparavant rapporte 8 milliards par an maintenant. C’est une industrie qui pèse aussi lourd dans l’économie que le café, les fleurs, l’or et émeraudes ensemble.

 

  • La cocaïne. Voilà un secteur encore plus difficile à évaluer pour des raisons assez évidentes. Malgré le fait d’être illégale, néfaste et de ne pas contribuer aux impôts, c’est un apport qui se compte en dollars aussi. Certains avancent le chiffre de 10 milliards de revenus, ce qui en ferait le deuxième « secteur d’exportations ». Un chiffre qui semblerait trop élevé. Cependant, les experts estiment que le coût de production d’un kilo de cocaïne non-coupé est de 2’000 dollars. Si on considère que la Colombie en produit plus de 700 tonnes, c’est une industrie qui se chiffre au minimum à 1.4 milliards. Au bout de la chaîne, cette même quantité peut rapporter 42 milliards au prix de vente de 60USD le gramme de marchandise non-coupée. La valeur de 10 milliards n’est finalement peut-être pas exagérée.

 

Apprendre plus en détails sur : Le café de Colombie et sa production, Le café de Colombie et ses exportations, Le pétrole en Colombie.

 

Chiffres de 2016

 

Comment va évoluer le peso Colombien COP ?

 

Pour imaginer l’évolution de la monnaie, il faut évaluer l’évolution de l’économie dans son ensemble.

Avec le retrait des États-Unis des accords avec l’Iran et les sanctions qui en découlent, le cours du pétrole ne devrait pas baisser de nouveau. Du moins pas prochainement. Les autres secteurs importants pour la Colombie n’ont pas de raisons de baisser non-plus. Le cours du café pourrait même remonter, étant donné que la consommation mondiale est supérieure à la production, abaissant les réserves. Ainsi le Peso Colombien devrait se maintenir pour quelques années à venir. Il pourrait même se renforcer et passer à 2’500 pour 1 USD. Les exportations rapporteraient un peu moins de ce fait, mais comme le pays importe autant qu’il exporte, la différence serait compensée. Cela serait même plutôt un avantage pour l’industrie qui pourrait acquérir les matières et la technologie qu’elle a besoin pour se développer.

 

Un répit de courte durée

 

Les défis que doit affronter la Colombie sont grands et le temps est compté. Pour résumer la situation, le gouvernement de Duque doit prendre des mesures radicales sinon le Peso COP pourrait s’effondrer d’ici 2023.

Les puits de pétrole ont des réserves estimées pour 5 ans encore, jusqu’à 2023 justement. Le Fracking peut prolonger cette durée, mais les chances de trouver de nouveaux puits sont faibles. Le pétrole colombien n’est pas spécialement bon marché à extraire et une grande partie du pays reste difficile d’accès pour une telle industrie. Les compagnies étrangères ne se précipitent pas pour y aller, mis à part dans certaines régions du Méta et Caquetá.

L’Europe a annoncé renoncer au charbon. La Colombie va devoir chercher d’autres clients, mais ne va pas réussir à compenser facilement cette perte de 35% que représentent les clients européens de son marché.

La cocaïne, là encore, est un épineux problème. La pression internationale est forte pour obliger la Colombie à éradiquer sa production. Cela signifie dépenser de l’argent pour arrêter d’en gagner. Si le gouvernement voulait réellement en finir, il devrait de plus investir dans des zones reculées qui ne donnerait pas ou peu de retour sur investissement.

Quant aux autres secteurs principaux, ils ne vont pas augmenter. À moins de planter du café Robusta, les volumes de café ne peuvent pas augmenter. Le tourisme devrait aussi prochainement freiner sa croissance pour se stabiliser.

Dans ce contexte, les exportations pourraient diminuer de 50%, par la force des choses. Cela tirerait la monnaie vers le bas, sans pour autant créer une dégringolade. Cela serait une simple dépréciation, comme observée en 2015.

Lire aussi : Le futur de la Colombie

 

Les conséquences pour un investisseur

 

Les conséquences d’une baisse ne seraient pas les mêmes pour tout le monde. Le taux de change peut baisser, les prix sur le marché local ne devraient pas trop changer. Le tourisme en bénéficierait et consommerait encore plus. Tous les secteurs d’exportation en profiteraient, pouvant vendre à moindre coût pour le même gain en pesos. Pour autant que le produit soit fabriqué entièrement localement. Ou cultivé, comme avec le secteur primaire.

 

Le problème serait pour tous ceux qui consomment des produits importés. La Colombie produit peu de technologie électronique. Les téléviseurs, téléphone, ordinateurs,… coûterait beaucoup plus cher. L’industrie mécanique doit aussi acheter des matières de l’extérieur, donc plus cher aussi.

L’immobilier ne ferait pas des heureux. Si la monnaie baisse, c’est la valeur globale qui baisse aussi. Pour un étranger qui change ses Euros pour acheter une propriété et en faire un hôtel, la perte sèche peut être grande à l’heure de revendre le commerce.

Ensuite, bien entendu, les voyages à l’étranger deviendraient hors de prix. Recevoir un salaire en Pesos pour les dépenser en Europe reviendrait à dépenser deux fois plus d’argent qu’avant.

 

Est-ce que le Peso Colombien va inévitablement chuter ?

 

Une monnaie trop faible n’est pas un avantage. Il est raisonnable de penser qu’une valeur entre 2’200 et 2’500 pesos pour 1 dollar favoriserait l’économie. Les produits importés seraient plus accessibles et ne pénaliserait pas les exportations.

En fait, le Peso Colombien chutera si le gouvernement n’anticipe pas la situation. C’est là, justement, toute la responsabilité que le Président Duque devra assumer.

La Colombie n’est pas compétitive sur le marché international. Elle se sauve avec ses ressources naturelles mais celles-ci vont justement s’épuiser. Le pays doit donc devenir compétitif pour exporter d’autres produits et compenser la perte.

Je ne me base pas sur les chiffres de PIB Produit Intérieur Brut par habitant ou sur des index de productivité ou rentabilité pour dire que la Colombie n’est pas compétitive. Elle ne l’est pas à cause des taxes qu’elle s’inflige elle-même. Le problème n’est pas le travailleur, surtout pas avec des salaires aussi bas. En fait, les produits sont compétitifs jusqu’à ce qu’ils arrivent au port ou aéroport, prêts à l’exportation.

 

Port de Carthagène Colombie
Port de Carthagène

 

Les problèmes à résoudre

 

  • Les péages. Exagérément nombreux et chers.
  • L’essence. Même si la Colombie extraie du pétrole, elle achète son essence sur le marché international. C’est forcément plus cher que de le raffiner soi-même. Mais le prix à la pompe compte aussi 50% de taxes.
  • Les camions. Comme il n’y a (presque) pas de voies ferrées, les transporteurs fixent les prix qu’ils veulent.
  • Les ports. Il y a des frais en tout genre, notamment d’inspection. Les mesures anti-drogue obligent à faire des contrôles, mais ses coûts se répercutent sur les exportateurs.
  • Les impôts aux entreprises. Le système fiscal ponctionne durement les entreprises.

 

Par exemple, les produits de l’agriculture, comme les fruits, pulpe de fruits, sucres et autres, sont bon marché. Mais dès qu’ils arrivent au port de Carthagène ou Barranquilla ils sont devenus trop chers pour le marché Européen. Le Brésil, L’inde et nombres de pays africains vendent les mêmes produits, mais meilleur marché. Le seul débouché reste alors les États-Unis.

 

Pour l’instant, le gouvernement de Duque ne démontre aucune intention de s’attaquer à cette lourde tâche. Il ne semble pas vouloir s’affronter aux puissantes familles qui contrôlent les infrastructures du pays. Sa décision d’assujettir les motos aux péages, qui passaient librement jusque-là, démontre exactement le contraire. Son intention d’imposer la TVA à tous les produits du panier de la ménagère indique une recherche de la facilité au lieu des réformes nécessaires.

 

Que faire ?

 

Être attentif ces prochaines années.

Une dépréciation du Peso COP ne sera pas pour tout de suite. Ça ne devrait pas arriver pendant le mandat de Duque (2018-2022), mais c’est aussi justement-là tout le problème. Le gouvernement suivant n’aura pas le temps d’implémenter les nouvelles réformes et devra compter avec moins de revenus pour y parvenir. Les réformes doivent pourtant commencer le plus tôt possible.

Il faut donc être attentif à l’évolution de la situation, lire les journaux, recouper les informations. Voir si des réformes se mettent en place, comment évolue le tourisme, si des réserves supplémentaires de pétrole apparaissent.

 

Dans ce contexte, c’est n’est peut-être pas un hasard que Duque ait déjà annoncé qu’il s’en irait en 2022. Pas de réélection, ni de prolongement.

 

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