Richesse, croissance et classes sociales en Colombie
On admet facilement que la Colombie se situe dans les pays à revenus moyens-supérieurs. La croissance économique tourne en moyenne autour de 3%. Pourtant, si l’on voyage de Bogotá à la Guajira, on aura l’impression de passer d’un pays développé au tiers-monde, sans traverser de frontière. Les inégalités sont fortement marquées et rend difficile l’évaluation.
Comment va l’économie Colombienne ? Existe-t-il une classe moyenne et quelle est son poids ?
La Colombie est-elle riche ?
Il y a différentes notions, comme le PIB (produit intérieur brut) et le RNB (revenu national brut) pour indiquer la richesse monétaire d’un pays. Il y a aussi ses déclinaisons comme le PIB par habitants et la PPP (parité de pouvoir d’achat) pour déterminer la richesse de ses habitants.
Cependant, mesurer la richesse est compliqué et les sources sont variables.
Tout d’abord, les indicateurs de l’économie mondiale s’intéresse à la valeur des échanges nationaux et internationaux. Par exemple, avoir des réserves pétrolières n’entre pas en compte. C’est au moment où le baril de pétrole est vendu qu’il a une valeur. Avoir des brevets ou des formules pharmaceutiques non-plus, jusqu’au moment où le médicament est vendu sur le marché national ou exporté.
Les mesures dépendent donc des informations émises par les propres gouvernements. C’est un exercice difficile, encore plus pour un pays qui repose beaucoup sur l’économie informelle et parallèle. De ce fait, d’autres organismes essayent de faire leur propres estimations, comme le FMI (Fond Monétaire International) et la CIA (Central Intelligence Agency).
Quant au pouvoir d’achat par habitant, là aussi les chiffres varient. Le recensement de la population n’est pas très efficace et si on admet une population colombienne de 48.5 millions, les estimations vont entre 45 et 50 millions.
PIB Produit Intérieur Brut
C’est la valeur la plus commune à utiliser pour déterminer la valeur monétaire d’un pays face aux autres. Par année civile, on mesure la « production de richesse » selon ce qui est facturé.
Prenons le cas de l’immobilier. Tant qu’une maison est en construction et que des entreprises sont payées pour ca, elle est prise en compte dans le PIB. Dès qu’elle est finie, elle ne produit plus de richesse, donc n’est plus prise en compte. Sauf si elle génère des loyers, bien entendu. Si la maison subit des dégradations, incendie ou innondation et que les propriétaires payent pour les réparations, alors les travaux entrent de nouveau dans les chiffres du PIB.
Selon le gouvernement colombien, le PIB en 2018 était de 330.2 milliards de dollars.
Ce chiffre est approximatif. Le travail au noir est artificiellement rajouté, selon des estimations. De plus, le PIB ne tient pas compte de l’auto-production et consommation. Tous les produits issus de l’agriculture consommé par les propres cultivateurs n’entrent pas dans cette mesure, ni les outils, les habits, les services. En reprennant l’exemple de l’immobilier, si quelqu’un construit soi-même une maison, seul les matériaux seront pris en compte dans le PIB.
https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD?locations=CO
Données du Fonds monétaire international, 2018 | ||
Rang | Pays ou territoire | PIB (en milliards de dollars) |
1 | États-Unis | 20 494,05 |
– | Union européenne | 18 750,05 |
2 | Chine | 13 407,40 |
3 | Japon | 4 971,93 |
4 | Allemagne | 4 000,39 |
5 | Royaume-Uni | 2 828,64 |
6 | France | 2 775,25 |
7 | Inde | 2 716,75 |
8 | Italie | 2 072,20 |
9 | Brésil | 1 868,18 |
10 | Canada | 1 711,39 |
20 | Suisse | 703,75 |
25 | Argentine | 518,09 |
39 | Colombie | 333,11 |
Données de la Banque mondiale, 2018 | ||
Rang | Pays ou territoire | PIB (en milliards de dollars) |
1 | États-Unis | 20 494 |
– | Union européenne | 18 748 |
2 | Chine | 13 670 |
3 | Japon | 4 971 |
4 | Allemagne | 3 997 |
5 | Royaume-Uni | 2 825 |
6 | France | 2 778 |
7 | Inde | 2 726 |
8 | Italie | 2 074 |
9 | Brésil | 1 869 |
10 | Canada | 1 709 |
20 | Suisse | 706 |
25 | Argentine | 519 |
41 | Colombie | 330 |
Source: Wikipédia. Voir la liste complète.
PIB par habitant
C’est une simple division du PIB par le nombre d’habitants. Avec une population d’environ 48.5 millions, chaque Colombien gagnerait en moyenne 6’684 USD par an. À ce stade, toutes les classes sociales sont mises dans le même panier. On ne fait aucune distinction.
https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.PCAP.CD?locations=CO
Données du Fonds monétaire international, 2018 | ||
Rang | Pays ou territoire | PIB par habitant (en dollars) |
1 | Luxembourg | 114 234 |
2 | Suisse | 82 950 |
3 | Macao | 82 388 |
4 | Norvège | 81 695 |
5 | Irlande | 76 099 |
6 | Islande | 74 278 |
7 | Qatar | 70 780 |
8 | Singapour | 64 041 |
9 | États-Unis | 62 606 |
10 | Danemark | 60 692 |
21 | France | 42 878 |
52 | Uruguay | 17 165 |
56 | Chili | 16 079 |
58 | Panama | 15 679 |
64 | Argentine | 11 627 |
71 | Mexique | 9 807 |
78 | Brésil | 8 968 |
82 | République dominicaine | 7 881 |
87 | Pérou | 7 002 |
90 | Colombie | 6 684 |
Source: Wikipédia. Voir la liste complete.
Pouvoir d’achat
Comparer les revenus sur la seule base du dollar est trompeur. Il faut aussi mettre en comparaison le pouvoir d’achat. Un dollar en Colombie permet d’obtenir plus de choses qu’en Europe. Acheter une bière ou payer le loyer coûtera forcément moins de dollars.
Lire aussi : le coût de la vie en Colombie
Là encore, différents organismes essayent de calculer le pouvoir d’achat et d’ajuster le revenu. Dans le tableau du FMI, plus bas, on voit par exemple que le revenu d’un Suisse baisse fortement, vu que tout coûte très cher, alors que celui d’un Colombien augmente notablement.
Données du Fonds monétaire international, 2018 | ||
Rang | Pays ou territoire | PPP par habitant (en dollars) |
1 | Qatar | 130,475 |
2 | Luxembourg | 106,705 |
3 | Singapour | 100,345 |
4 | Brunei | 79,530 |
5 | Irlande | 78,785 |
6 | Norvège | 74,356 |
7 | Emirats Arabes Unis | 69,382 |
8 | Kowait | 67,000 |
9 | Suisse | 64,649 |
10 | États-Unis | 62,606 |
25 | France | 45,775 |
56 | Chili | 25,978 |
57 | Panama | 25,674 |
59 | Uruguay | 23,274 |
63 | Méxique | 20,602 |
64 | Argentine | 20,537 |
77 | Costa Rica | 17,559 |
— | Monde | 16,779 |
80 | Brésil | 16,154 |
85 | Colombie | 14,943 |
Source: Wikipédia. Voir la liste complete.
https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.PCAP.PP.CD?locations=CO
La Colombie passe donc de 6’684 à 14’943 USD, soit 2.2 fois plus. Somme toute, c’est loin des chiffres de l’Europe occidentale, qui se situe plutôt entre 35’000 et 60’000 USD.
La raison est que le coût de la vie reste chère en Colombie. Les transports publiques ne sont ni efficaces ni bons marchés. Les véhicules privés coûtent autant qu’en Europe. L’essence est parmi la plus chère d’Amérique latine. L’éducation supérieure est en majorité privée. Il n’y a pas de subventions pour les enfants. La télécommunication, l’eau, l’électricité pèsent lourd dans le budget. La TVA est à 19%. Les impôts aux entreprises sont plus élevés qu’en Europe.
D’ailleurs, 71% de la population a un patrimoine inférieur à 10’000 dollars. Cela démontre la casi impossibilité d’épargner le moindre argent.
Lire : La Colombie n’est pas bon marché
Les classes sociales
Plutôt que de faire une simple division du PIB, voyons ce que chaque classe sociale représente.
Les classes sociales sont découpées en catégories d’après des fourchettes de revenus. La Direction Nationale des Impôts (DIAN) indique que la pauvreté touche le 27% de la population (13’073’000 habitants). Ce pourcentage inclut aussi les 7.4% d’habitants en situation de pauvreté extrême. Le seuil de pauvreté est fixé à 257.433 pesos par mois, soit 86 USD par mois, 1032 USD par an. La pauvreté extrême à 117.605 pesos par mois, soit 39 USD par mois, 470 USD par an.
Cet article indique que la classe moyenne « vulnérable » gagne entre 250’000 (83 USD) et 590’000 (197 USD) pesos par mois. 19 millions de Colombiens, soit 40% de la population, se trouveraient dans cette situation. Ensuite, 14.7 millions, soit 31%, gagnent entre 590’000 (197 USD) et 2’950’000 (983 USD) par mois.
En résumé :
Classe | Population % | Habitants | Revenus par mois COP |
Pauvreté extrême | 7,4 | 3’590’000 | 0 – 117.605 |
Pauvreté | 19,6 | 9’500’000 | 117.605 – 257.433 |
Moyenne-vulnérable | 40 | 19’000’000 | 257.422 – 590.000 |
Moyenne | 31 | 14’700’000 | 590.000 – 2.950.000 |
Haute | 2 | 970’000 | 2.950.000 ≤ |
Selon ces chiffres, 3’590’000 de Colombiens compteraient pour 1.69 milliards de USD du PIB et 9’500’000 autres pour 9.80 milliards. La classe moyenne-vulnérable, avec 140 USD par mois en moyenne, multipliée par 19 millions de personnes, pèserait environ 31.9 milliards du PIB.
Cela signifie donc que les classes pauvres et moyenne-vulnérable représentent 67% de la population mais à peine 13% du PIB.
Du côté des plus riches, cet autre article indique que le 1% de la population concentre le 20% des revenus.
Malgré tout, la Colombie a fait de grands efforts depuis les années 2000. Le PIB et le pouvoir d’achat ont augmenté de manière significative ces deux dernières décennies. La pauvreté quant à elle, est passée de 50% à 27%.
Ce sont toutefois des données à prendre avec des pincettes. Les méthodes de calcul ont plusieurs fois été modifiées, comme l’explique ce document : Metodología de estimación de la línea de pobreza absoluta. Un certain nombre de personnes ont donc changé de catégories sans augmenter leurs revenus. Toutefois, l’amélioration de la situation est quand même réelle.
En conclusion
Dire que la Colombie est un pays de classe moyenne n’est pas vrai. Ou alors, il faut redéfinir sa signification. Parmi les 31% inclue dans cette catégorie, le niveau de vie est de toute facon inférieur aux standards occidentaux. Seulement 10 ou 15% de la population pourrait vraiment se comparer à une classe moyenne européenne, avec une qualité de vie semblable. Attention, je ne parle pas ici de vivre « à la francaise » en Colombie. Je parle de qualité de vie, qui inclue l’acquisition de biens et l’accès aux services.
La majorité des Colombiens n’ont pas de voitures, n’ont pas accès à une scolarité de qualité, ne voyagent jamais à l’étranger, ne dispose pas d’internet à volonté, pour ne citer que ces points-ci. L’économie augmente chaque année. Le PIB croît de 3% environ. Pourtant nous voyons qu’elle ne profite pas à la majorité de la population.
Comme déjà indiqué cependant, l’amélioration de la situation est réelle. La Colombie d’aujourd’hui a fait un grand pas par rapport à la Colombie des années avant 2000. Reste à savoir comment elle va aborder les prochains défis ; tourisme de masse, mondialisation, accords de paix et une population qui s’est lassée de sa condition.