Être étranger en Colombie

Être étranger en Colombie

La Colombie s’ouvre de plus en plus à l’extérieur et il est relativement fréquent maintenant de croiser des étrangers qui sont installés dans le pays depuis quelques années. Toutefois, la majorité des colombiens ne comptent pas d’amis étrangers dans leur cercle proche et sont ravis de faire connaissance.

À quoi s’attendre en s’installant dans le pays. Voilà mon expérience depuis mon premier séjour en 2003 et mon immigration en 2012.

À la fin, vous trouverez un commentaire de Doniphane du blog Colombianito. Nous avons publié chacun un article sur ce thème et comparons nos expériences. Entre lui à Barranquilla et moi à Cali nous nous donnons des conseils qui peuvent profiter aussi à nos lecteurs.

Lire l’article de Doniphane : être français en Colombie

 

Se fondre dans le paysage

 

Je précise d’entrée que mon physique fait très local. Taille moyenne, cheveux foncés, yeux marrons avec tenues vestimentaires de circonstance et un niveau de danse tout à fait acceptable pour Cali. De plus, je parle couramment espagnol sans accent ou presque.

Alors justement, sans accent veut dire que je n’ai pas l’accent caleño, ni même un quelconque autre accent colombien. Du coup, les gens déterminent rapidement que je suis étranger mais sans pouvoir imaginer de quel pays. Ceux qui tenteront de deviner diront en général Espagnol ou Brésilien, en se basant sur mon physique.

 

Faire face aux incompréhensions

 

Les colombiens sont fiers de leur pays et n’hésitent pas à en vanter les beautés. Mais ils ont toujours de la peine à comprendre pourquoi un Suisse déciderait de s’y installer. Généralement ils me demandent si j’ai de la famille en Colombie ou si je suis venu pour une femme. Je me sens donc toujours obligé de justifier mon choix de vie.

Je réponds toujours en expliquant que la Suisse, et l’Europe en général, est très bien organisée et très agréable. Mais que tout est déjà fait et tend à maintenir les gens dans leurs cases. C’est une sécurité que beaucoup de gens recherchent et sont heureux comme cela. Dans mon cas, je préfère garder un horizon ouvert et la Colombie offre cette possibilité.

C’est une réponse que tout le monde comprend et je peux ensuite enchainer que la Colombie n’est pas un paradis non-plus, qu’il y a des problèmes de sécurité et d’inégalités. Chaque pays a ses points positifs et négatifs mais c’est à chacun de savoir ce qu’il veut.

Après cette « mise au point » on peut vite basculer sur les sujets qui caractérisent la Colombie et font plaisir ; la chaleur humaine, la berraquera des habitants, le climat, la nourriture, etc…

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Apprendre constamment

 

Vivre dans un autre pays signifie devoir apprendre sur son fonctionnement. C’est un petit effort à fournir, mais ô combien important, que d’apprendre sur l’Histoire, la géographie et la culture pour pouvoir s’intégrer. La tâche vraiment ardue est d’apprendre sur l’administration, l’économie, le milieu de l’entreprise et les habitudes commerciales. D’ailleurs le pays passe par une évolution tellement rapide que même les colombiens se trouvent dépassés parfois. C’est rassurant d’une certaine manière mais aussi déboussolant car il vaut mieux se renseigner par deux fois avant de faire les choses.

Dans les moments difficiles, je me console en me rappelant que c’est justement le mouvement que j’étais venu chercher. C’est dans ce « relatif chaos » que se trouvent les opportunités.

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2 cultures

 

En fait, être immigré c’est surtout profiter de deux cultures. C’est passer de l’une à l’autre avec tellement d’aisance qu’on passerait pour schizophrène. C’est exprimer le même sentiment de deux manières distinctes.

Mais parfois c’est aussi sentir la distance. Les différences de goûts ou manières de vivre seront forcément associées à ma nationalité.

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Ouvrir des portes et en refermer

 

Les Occidentaux bénéficient encore d’une excellente réputation. Le sérieux et l’honnêteté ouvrent des portes et permettent d’obtenir plus facilement des contacts. L’augmentation du tourisme avec son lot proportionnel de gens irrespectueux et profiteurs met à mal cette réputation, surtout au niveau du savoir vivre, mais reste dans l’ensemble bonne.

Obtenir un contact, puis une visite et ensuite pouvoir soumettre une offre se fait facilement, la confiance est tout de suite accordée. Cependant, pour arriver à un contrat, des garanties devront être offertes. Un colombien discernera les besoins, car il a l’habitude et maitrise cette partie, tandis qu’un étranger comptera sur la confiance jusqu’au bout.

J’ai déjà eu l’exemple typique pour un contrat. J’ai obtenu un rendez-vous pour une visite technique de l’Université Autónoma de Cali, ce que mon associé colombien n’avait jamais réussi jusque-là. Pourtant ce sont ses connaissances, ses liens et son discours qui les ont convaincus de signer.

Un étranger n’inspire pas complétement confiance jusqu’à ce que d’autres personnes la recommandent.

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À jamais un étranger

 

Même si beaucoup de gens me disent que je suis devenu caleño avec le temps, je ressens toujours une différence. Je n’ai pas été à l’école en Colombie ou grandit avec une famille colombienne, donc il y a beaucoup d’histoires que je ne comprendrai jamais. Jamais je n’ai été confronté à l’histoire violente du pays, je n’ai pas de plaies encore ouvertes comme beaucoup. Je n’ai jamais dû lutter pour payer des études et commencer ma vie professionnelle déjà endetté.

J’ai vécu, ou du moins suivi de très, près l’évolution du pays. En 2003, le tourisme était marginal, Cali était à l’écart du monde et n’avait pas encore débuté sa transformation urbaine. Pas d’accords de libre-échange, pas d’autorisation de voyager en Europe comme touriste.

Je suis donc à jour sur le fonctionnement du pays, mais moi, je fonctionne toujours comme un Suisse…

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L’avis de Doniphane (Colombianito)

 

Sebastien et moi avons rédigé nos articles indépendamment et sans vraiment nous concerter sur les thèmes que nous allions aborder… pourtant nos conclusions me paraissent relativement proches.

Il sera toujours un suisse en Colombie et moi un français en Colombie. Même après 20 ans d’expatriation il y aura toujours des aspects culturels qui nous seront compliqués à appréhender et nous ne pourrons certainement jamais nous targuer d’être de vrais européo-colombiens.

Cependant j’ai cette sensation que les colombiens eux même ne connaissent ni leur pays ni leur histoire sur le bout des doigts. La Colombie est un pays aux multiples facettes et la vie d’un bogotano, le quotidien d’un caleño, le rythme de vie d’un costeño et la réalité d’un chocuano n’ont rien de comparables. Si on ajoute à cette liste les nombreux peuples indigènes présents dans cette région du monde l’équation se complique encore plus.

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Au sein d’une même municipalité cohabitent de nombreuses vérités colombiennes qui ne sont pas forcément compréhensibles pour celles et ceux qui ne l’ont pas vécue ou n’ont pas forcément fait l’effort de l’entre-apercevoir.

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Avec le temps je pense qu’un expatrié développe une sorte de culture hybride. L’idéal étant de garder le meilleur de son pays d’origine et de s’inspirer des points forts de sa culture d’accueil. Aujourd’hui je crois m’être autant rapproché de la culture colombienne (pour ne pas dire costeño-colombienne) que je me suis éloigné du mode de vie et de penser français.

C’est un choix de vie que je ne regrette pas même s’il est compliqué de trouver des interlocuteurs qui comprennent ce phénomène. C’est d’ailleurs certainement pourquoi j’aime travailler et collaborer avec Sebastien, nous partageons ce genre de paradoxes culturels. Nous sommes à la fois européens et colombiens mais nous ne sommes certainement ni l’un ni l’autre aux yeux de nos congénères.

 

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