Choc culturel en Colombie

Choc culturel en Colombie

Presque obligatoirement en allant s’établir dans un autre continent, on expérimente un choc culturel. Que l’expatriation soit temporaire ou définitive, en vivant au même rythme que la population d’un autre pays, nous passons par 3 phases ; l’émerveillement de découvrir une autre culture avec d’autres richesses, la frustration de ne pas être en accord avec certains aspects du nouveau mode de vie et l’adaptation qui nous amène à accepter un nouveau style et nous entraine à réfléchir comme les locaux.

Chaque phase a une durée variable, tout dépend de la sensibilité, capacité d’adaptation et expérience de vie propre à chacun. D’ailleurs le processus peut aussi être interrompu dans le cas d’un retour anticipé.

 

Généralement on s’attend à un choc culturel en arrivant en Colombie depuis l’Europe mais sans pouvoir en anticiper les raisons. En surface beaucoup de choses sont communes ; une langue latine comme le français, une même religion catholique, une cuisine très accessible avec des ingrédients connus, une constitution inspirée de la constitution française, des musiques largement diffusées internationalement, mais dans le fond les différences existent. Personnellement la deuxième phase m’est arrivée presque 3 ans seulement après mon installation et a duré un peu plus d’une année avant de m’adapter pleinement.

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1ère phase

En fait, je connaissais déjà bien la Colombie pour y avoir passé 4 mois en 2003, puis y être revenu de nombreuses fois avant de m’y établir. J’avais donc déjà des amis, je parlais suffisamment bien la langue, je dansais également la salsa et avais déjà plutôt l’habitude de me débrouiller à l’étranger. J’ai pu profiter assez longuement de ma phase d’émerveillement. Pour la premièrement fois je devenais entrepreneur indépendant, je n’avais plus de patron ni d’horaires. J’appréciais de vivre l’été toute l’année, avec les fenêtres grandes ouvertes jour et nuit. Des produits frais toute l’année également, notamment des fruits chaque jour. Des plats du jour bon marché dans mon quartier. Les gens chaleureux et enthousiastes.

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Certaines personnes sont rapidement affectées et déstabilisées par la pauvreté visible, les indigentes qui dorment dans la rue, les recycleurs qui fouillent les poubelles, les mendiants qui accostent les clients des restaurants. Le bruit de la circulation ou la musique trop forte peuvent devenir vite pesants aussi. L’effort de parler une autre langue plus longtemps que juste pendant les vacances peut devenir frustrant, à devoir se répéter constamment ou à l’inverse faire répéter, ne pas comprendre les blagues. Ces tracas du quotidien peuvent déjà provoquer un choc, encore plus en arrivant seul. Ce n’était donc pas mon cas, j’étais déjà préparé à cette facette du pays.

 

Je travaillais dans le tourisme médical et mes clients étaient occidentaux, donc là aussi je n’étais pas spécialement confronté aux aspects plus pénibles du monde professionnel. Par exemple le manque de ponctualité, recevoir une réponse positive alors que réellement elle est négative, se confronter aux exigences d’un marché aux règles différentes. Je profitais aux contraire de l’enthousiasme des colombiens pour l’entrepreneuriat, d’autant plus que je promouvais un secteur qui est source de fierté pour le pays.

Le travail peut déclencher un choc culturel, par rapport aux conditions bien différentes. Il y a peu de protection sociale, souvent les contrats sont à durée limitée, même pour les professeurs d’universités à un semestre ou une année, les heures de présence avec des semaines à 48 heures et seulement 2 semaines de vacances par an. Le monde professionnel colombien a plutôt tendance à favoriser la présence à la productivité, qui est exactement la logique inverse de l’Europe. La France octroie le droit à la déconnexion, un employé n’est pas obligé de consulter ses emails ou répondre à une sollicitude en dehors des heures de bureau, ce qui est mal perçu ici.

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2ème phase

En fait, mon choc culturel est arrivé à la suite de plusieurs changements. J’étais redevenu célibataire après un an et demi d’une relation très compliquée et souvent irrationnelle. Je plafonnais avec le tourisme médical et avais décidé de passer à autre chose. J’avais lancé un agenda culturel et avais des difficultés à le faire connaître et trouver des clients.

Bref, le choc est arrivé en me rendant compte que ma méthode n’était pas efficace et que je devais me remettre en question, tant sur le plan privé que professionnel. En faisant cette démarche, en cherchant à comprendre mes erreurs, j’ai aussi été confronté à ma méconnaissance de la société colombienne. Il y a des règles de langage, d’apparence, de projection que je ne maitrisais pas et l’enthousiasme des colombiens masquait surtout une gêne de m’expliquer que je me trompais. Je trouvais alors que la forme primait sur le fond, que le superficiel comptait plus que la valeur réelle, que la confiance est un luxe qui ne se donne pas et que l’hypocrisie passe avant tout.

 

Il m’a fallu bien une année pour connaître les nouvelles règles et m’adapter. Par exemple, je visitais les hôtels de la ville pour leurs laisser de la publicité et je faisais la tournée à vélo. Ce qui pour un européen donnerait une image sportive, dynamique, saine, écologique mais surtout efficace et économique est vue comme pauvre et déstructuré par un colombien. Il aurait fallu aller en voiture habillé en businessman, quitte à prendre le double du temps et dépenser de l’argent en stationnement, pour projeter une image de grande entreprise. C’est aussi une manière de démontrer une plus grande stabilité, face aux petits entrepreneurs qui apparaissent et disparaissent. Mais ça, personne n’avait osé me le dire avant, seulement après avoir arrêté de le faire. J’ai aussi fait lire des emails et demandé si la forme était correcte, pour finalement apprendre que certaines tournures de phrase n’étaient pas appropriées, qu’elles semblaient froides, autoritaires, trop directes. Ce n’était évidemment pas le but et un colombien, même mis en copie, ne va pas spontanément le signaler par crainte d’offenser.

Au niveau personnel, je me suis même remis en couple plus tard avec la personne pour malheureusement voir que les beaux discours ne changent rien et qu’il faut accepter de voir les gens comme ils sont réellement pour pouvoir tourner définitivement la page.

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3ème phase

Encore maintenant je peux commettre des erreurs mais au moins cette période de doute, d’incompréhension et de frustration est passée et j‘ai pu entrer dans la troisième phase. J’ai accepté que tout ne va pas fonctionner à ma manière et que je doive m’adapter.

 

Le terme choc culturel englobe finalement beaucoup d’aspects, de causes et de raisons. C’est important de savoir qu’il peut arriver très tôt ou très tard, je crois même qu’il peut arriver plusieurs fois, et qu’il est bon de ne pas s’isoler et de le partager avec son entourage. Le plus probable est que d’autres expatriés aient leurs expériences à partager.

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7 Replies to “Choc culturel en Colombie”

  1. Tellement édifiant… Tu as résumé tout ce que j’ai pu ressentir après 6 mois à Bogota. Sur le moment tout cela est très frustrant, surtout a voir le manque de franchise récurrent caché par des sourires et le manque de fiabilité surtout en affaires. Mais après 8 mois loin de la Colombie tout cela est très étonnant, mais ce système te manque et tu te rends compte que ce sont les Français qui sont parfois trop carrés…. Que viva Colombia ! Merci pour tes articles

  2. Vous êtes une magnifique personne avec une immense intelligence sociale. L’humanisme vous habite !
    Je vis en France depuis 25 ans et je pourrais, dans une certaine manière, me retrouver dans votre récit, tellement édifiant et ethnologique, en tant que colombienne et en tant que française d’adoption. Quand on vi dans un autre pays, l’enrichissement est mutuel. Mil gracias por tu aporte al pueblo colombiano y que tus sueños sigan creciendo. Maru.

  3. Bonjour Sébastien et merci pour nous renconter ton adaptation en Colombie. Je me suis reconnu dans tes propos. Je vis en Colombie depuis 2010 et parfois j’ai du mal a accepter ce manque d’éducation de beaucoup de Colombiens et le respect des autres.

  4. bravo pour cette remise en cause et cet apprentissage. Je vis ici depuis 5 ans et le choc culturel ne termine jamais vraiment. N’abandonne pas le vélo et la simplicité, gare ton vélo a 200 m et marche comme si tu étais arrivé en taxi ou en bus (je me change dans la rue ou aux toilettes).

    1. Merci Damien pour ton commentaire. Je n’ai pas abandonné le vélo mais je réserve son utilisation au sport. C’est quand même difficile de tout le temps se changer 😉

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